En lisant " Au Printemps des monstres " on pense aussitôt au roman de Truman Capote " De Sang froid " ou aux enquêtes de James Ellroy , bien qu'ici , le crime se soit passé chez nous , en 1964 , dans la France du général De Gaulle , au coeur des "trente Glorieuses " ..
Glorieuses , pas toujours , enfin , pas pour tout le monde!
Philippe Jeanada raconte l'enlèvement à Paris du "P'tit " Luc Taron retrouvé gisant dans le bois de Verrières , mort à 11 ans . Quelques jours après , un prétendu " étrangleur " s'accuse du crime et s'amuse à jouer avec les nerfs de la police , de la presse , du public, de la France entière mortifiée.750 pages justifient Jeanada a reprendre le fil de l'enquête policière , du procès et a réexaminer point par point le processus judiciaire revenant dans le détail sur les témoignages , les vérités , les contre-vérités , les contre-contre-vérités accumulées... Un Paris "noir" - où plane l'ombre de Modiano - émerge de ce marigot où la laideur , la bêtise , la bassesse au relent hideux de la collaboration- pas si lointaine - s'épanouissent comme du chiendent .
Heureusement , Ph Jeanada possède l'art d'humaniser cette bestialité ; l'ironie , l'amusement même qu'il distille confond le lecteur devant cette noirceur . On jubile presque des plus sombres , des pires comportements humains...
On préfère souvent la concision , la rapidité ; mais ici , la persévérance , l'opiniâtreté de l'auteur s'avère autrement féconde .